J'ai décidé d'écrire cet article il y a quelques semaines déjà après avoir visionné un interview d'Hartmut Rosa que j'ai visionné 2 fois sur Arte.tv. Cet interview s'intitule "Que perdons-nous à gagner du temps ?", je trouve ce titre véritablement bien choisi.
J'ai été tellement intéressée par son approche que je me suis lancée dans l'exercice d'écrire sur des questions philosophiques. J'ai une approche plus poétique des choses, mais je tente le coup de me frotter à l'écrit philosophique.
J'ai entendu dans cet interview des liens avec mon approche du travail, de la production d'objets en céramique qui sont à la fois durables et fragiles. Objets avec lesquels je souhaite que les acquéreurs prennent le temps de nouer des relations émotionnelles et affectives, ce qu'Hartmut Rosa nomme une "résonnance".
Alors, j'espère donc que ce texte vous intéressera, vous enrichira, vous donnera envie d'en lire plus de ce philosophe.
Hartmut Rosa est un sociologue et philosophe allemand connu pour ses travaux sur la modernité tardive. Issu de l'école de Francfort, il est professeur de théorie sociologique à l'Université Friedrich Schiller à Iéna, en Allemagne. Il est surtout connu pour sa théorie de l'accélération sociale.
L'accélération définie par Harmut Rosa est un concept issu de sa théorie de l'accélération sociale (voire la théorie de Virilio), qui se concentre sur la relation entre la vitesse du changement technologique, économique et social et son impact sur la vie humaine.
Hartmut Rosa décrit l'accélération comme ayant trois dimensions interdépendantes : la technologie, l'économie et la culture.
La technologie est le moteur de l'accélération, car elle permet la production de biens et services de manière plus rapide et efficace;
l'économie est influencée par la technologie et, à son tour, influence
la culture en créant des attentes de croissance et de prospérité qui deviennent de plus en plus difficiles à atteindre, vitesse et efficacité étant devenues les principales valeurs sociales. Les changements de notre environnement social sont si rapides que nous avons du mal à les intégrer à notre vie quotidienne.
Le phénomène d'accélération technologique a des effets ambivalents, et finalement opposés aux attendus puisque cela aboutit généralement à la sensation d'avoir de moins en moins de temps. Plus la technique nous permet d'aller vite, plus nous essayons d'en faire, ou plus on nous demande d'en faire que ce soit dans la vie professionnelle, la vie personnelle ou les loisirs.
Si certaines personnes peuvent se sentir à l'aise dans la course permanente et le multi-tâches, voire même s'en glorifier, on sait que ni notre corps, ni notre cerveau ne sont fait pour supporter cette pression et que cela a toujours une fin malheureuse.
J'arrête là sur cette question qui m'entraînerait trop loin, car l'impact de l'accélération sur la santé n'est pas ce dont j'ai envie de parler dans cet article.
J'ai des préoccupations plus existentielles et liées à mon expérience de travailleuse manuelle inspirée par le wabi-sabi. Aussi, ce qui m'a intéressé dans cet interview et d'autres de ses textes dont j'ai pris connaissance par la suite, c'est ce qu'Harmut Rosa écrit concernant notre relation au monde et aux objets. Cela "résonne" avec mon travail et la façon dont je l'habite.
Selon Rosa, notre lien aux objets est essentiel à notre relation au monde, car ils font partie des médiateurs entre nous et notre environnement. Pour que cela se produise, nous devons donc établir une relation avec ces objets qui passe par une appropriation progressive de nous en direction de l'objet et réciproquement.
L'appropriation de l'objet, telle qu'il en parle, et nous pouvons nous y reconnaître aisément, est un processus par lequel nous nous engageons activement avec les objets qui nous entourent pour leur donner un sens et une signification personnelle. Il s'agit de développer une relation plus profonde et plus personnelle avec les objets, plutôt que de les utiliser de manière purement instrumentale.
Ainsi, l'appropriation peut prendre de nombreuses formes différentes. Cela peut impliquer de personnaliser un objet pour qu'il reflète notre identité ou notre style personnel, d'améliorer un objet, l'user, l'abîmer, l'enrichir, le réparer... ce qui crée des souvenirs et des expériences significatives, marque le temps qui passe et donne une profondeur à notre être au monde.
De nos jours, tout est fait pour le fast, et cette question de prendre le temps de connaître un objet, de l'user, le réparer est primordiale. Ce n'est pas qu'une affaire de soutenabilité écologique, c'est bien plus que ça, c'est une question existentielle : il s'agit de notre équilibre, notre profondeur, notre existence même en tant qu'être humain qui est en jeu là-dedans. Le "fast" nous dépossède de ce temps nécessaire et appauvrit notre âme et aussi notre porte-feuille car le remède que capitalisme nous offre et d'acheter toujours plus, toujours plus vite, non plus des objets que nous n'avons plus le temps de consommer, mais des "potentialités". C'est là une idée forte qui ressort que cette affaire d'achat de potentiels usages... je vous y laisse y réfléchir. Si cela vous inspire, je vous invite à laisser vos commentaires ci-dessous.
Étant inspirée par la philosophie du wabi-sabi, je trouve cette approche par la sociologie très intéressante, il s'y agit du temps et des effets du temps que l'accélération sociale et technologique ne permet plus d'exister, et aussi de notre ancrage dans la matière.
Je vous encourage à visionner cet interview sur Arte.tv, il est bien intéressant. J'essaierai d'approfondir dans un autre article les concepts tels qu'il les décrit d'aliénation, de rétrécissement du présent et de résonnance.
S'il vous inspire, commentez ou partagez cet article, enrichissez-le de vos propres expériences.
Notes :
L'interview est visible à cette adresse :
https://www.arte.tv/fr/videos/108567-005-A/que-perdons-nous-a-gagner-du-temps/
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